LES CORPS CITADELLES
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PERFORMANCE

Annabelle Playe : conception, texte, vidéo, création musicale et interprétation
Justine Simonot : regard
Estelle Bordaçarre : mise en mouvement
Anne-Laure Baudin, Peter Weir, Geniève Ott : scénographie
Néli Gueorguieva : costume
Samuel Herbreteau : régie

Je crée des mondes pour saisir le nôtre, les corps citadelles en sont les passeurs.
A. Playe

Cette création est née de ma rencontre, à Carcassonne, avec un groupe de jeunes migrants et deux femmes, Sana, d’origine libyenne et Aïcha, d’origine marocaine.

L’installation et la performance tissent une mosaïque dont les différents mediums, texte, son, images peuvent être reçus indépendamment les uns des autres. C’est le visiteur qui crée le lien, devenant acteur de ce diptyque.

La Citadelle de Carcassonne en est le personnage clé : l’enceinte qui contient, enferme ou protège. Elle est le labyrinthe dans lequel un jeune marche et tente de donner corps à son rêve. Nomadisme, migration et sédentarité s’y reflètent.
Le fantastique infiltre cette fresque éclatée convoquant le regard entre cécité et clairvoyance.

Ce diptyque appartient à un projet plus vaste, LES VILLES NOMADES. Je m’empare en solo ou avec d’autres artistes, des notions de nomadisme, de voyage et de migration. Il s’agit aussi de poser un regard sur la manière dont nous modelons nos géographies et comment à leur tour, le paysage ou la ville nous transforment.

Cette recherche se déploiera au fil de voyages et s’articulera autour de l’architecture, l’urbanisme, la vidéo, l’écriture, la musique, la sociologie et l’histoire, entre mémoire et témoignage. La prochaine étape est Casablanca, projet accueilli par l’Institut Français.

Annabelle Playe

Extraits de texte

ville s’ouvre se ressert et durcit quand bientôt midi je marche depuis l’aube
aube rongeant la nuit à coups de becs d’oiseaux et d’ailes chauve-souris longtemps déjà le sommeil percé m’offrait les rives de villes à prendre
aube figée dans les yeux de la mère les yeux du père rougis les miens dans l’aube de la ville nouvelle
là-bas périphérie aux cieux dévorés Eux pères mères dans le camp aux yeux rougis et brillants à la périphérie de la ville-qui-est-au-centre
la ville-centre eux sur le côté
le centre de cette aube-ci est citadelle ses murs remparts hissent le regard
je ne suis ni ici ni là-bas je suis mes pas
(...)

partout la sécheresse est une reine voilée les fenêtres sont des yeux tristes et soumis
reflets bancals d’immeubles blocs insolents jaugeant la citadelle occident
à leur racine s’agitent petits corps indifférents aux pavillons esseulés maisons béant sur elles-mêmes - quartier pavillonnaire - banlieue accrochée à tes flancs citadelle
j’ouvre ce qui est enclos peuple les seuils vacants de mains joyeuses de sourires affables
(...)

cœur bat vite
cardinal
le retire le mets à l’écart
il y a ce cœur il y a moi et l’Autre qui a gardé son cœur
bat plus fort quand l’homme prend chacun des doigts de la main gauche de la main droite en extrait un parchemin l’Autre-avec-moi-tout-pareil regarde la pulpe de ses doigts les mains ouvertes d’où rien ne sort pas même un bout d’histoire
nous refermons les poings sur nos trajets clos
imprimés sur le papier visibles sur l’écran les chemins que nous tenons au bout des doigts
sur les phalanges un dédale et au centre la citadelle nichée dans les lignes rem- parts d’une histoire noircie
le cœur à l’écart tressaille c’est irrégulier
l’apaise soulève ce qu’il y a dessous et dans le ventre ramène l’histoire la lumière du jour
je place cœur dans la poitrine des hommes bleu-nuit ralentis les battements ça cogne sourd
le sol éloigné j’approche l’aube et le soleil
Citadelle s’ouvre
voyez je suis sentinelle les yeux du père de la mère brillent sous les miens Citadelle se donne au ciel
je suis l’oiseau
là où je vole je préviens l’écueil
tout ira bien
on me tend le cabas me dit qu’on vient me chercher
« tu vas dans un foyer migrant-mineurs » tu es un cabas presque vide je lève la tête
l’Autre-tout pareil vole encore
(...)

le soleil distribue ses épées
elles font de moi un guerrier
un guerrier fait de riens
tongs sac-cabas quelques papiers jamais les bons
c’est le soleil c’est la lumière et sa sourde chaleur qu’il combat avec ses pas
disent les pierres dans mon dos
repliées elles sont de vieilles femmes à la peau cassante aux ongles ocres elles mordent l’espace
le sable s’écoule

Dates

20 et 22 juin 2019 : Festival Mixité - Tour du Trésau, Carcassonne (11)

Photos

Photos

Production

Production : AnA compagnie
Coproduction : Festival Mixité / La Galerie Chorégraphique
Avec le soutien de la Région Occitanie